URGENCE POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse,19 organisations de la société civile burundaise unissent leurs voix pour dénoncer la persécution continue des journalistes et la violation éhontée de la liberté de la presse. Depuis le début de la crise politique de 2015 consécutive au 3ème mandat anticonstitutionnel du Président Pierre Nkurunziza, le Burundi s’illustre par la dégradation continue des conditions de travail des
journalistes et la restriction drastique de l’espace civique orchestrée par le régime CNDD-FDD au pouvoir.
Ce verrouillage de l’espace médiatique et civique s’est matérialisé par la destruction des médias indépendants tels que RPA, Bonesha FM, Isanganiro, Rema FM et la Radio Télévision Renaissance à la suite du coup d’État manqué de mai 2015. Depuis lors, une centaine de journalistes ont été contraints à l’exil, tandis que sept d’entre eux ont été condamnés à la servitude pénale à perpétuité par contumace à l’issue d’un procès inique,
ce qui constitue une violation grave du droit à un procès équitable.
En outre, les organisations signataires regrettent que depuis le 13 octobre 2015 la famille du journaliste Christophe NKEZABAHIZI a été décimée à la suite d’une utilisation illégale des forces de l’Etat et la justice n’a rien fait pour mener des enquêtes sérieuses et objectives afin de poursuivre les auteurs de ce crime grave.
L’atteinte à la liberté de la presse a culminé avec la disparition forcée du journaliste du groupe de presse Iwacu le 22 juillet 2016 à Bugarama. Depuis lors, le régime n’a pas encore révélé la vérité sur le sort de Jean Bigirimana. Aucun rapport d’enquête n’a été publié. Huit ans après sa disparition, sa famille attend toujours des réponses.
Les médias qui ont pu reprendre leurs activités ont été soumis à une charte d’auto-censure oppressante, les empêchant de relayer toute opinion dissidente. Par ailleurs, le Conseil National de la Communication (CNC), censé garantir la promotion de la liberté de la presse, a failli à sa mission première. Au lieu de défendre cette liberté fondamentale, il s’est transformé en un instrument de répression au service du régime, réprimant les voix dissidentes et entravant tout débat public. De toute évidence le pays est entrain de glisser
vers un régime à parti unique.
Les cas de Floriane Irangabiye et de Sandra Muhoza illustrent la répression systématique des journalistes au Burundi. Floriane Irangabiye a été condamnée à dix ans de prison sous une accusation vague d’« atteinte à l’intégrité du territoire national ». Sandra Muhoza, quant à elle, a été emprisonnée simplement pour avoir relayé un message sur WhatsApp entre collègues. Ces exemples démontrent comment le régime utilise des accusations extrêmement lourdes, vagues et injustifiées pour réduire au silence les voix critiques, dont
les journalistes.,.
Alors qu’à son arrivée en 2020, le nouveau Président avait fondé beaucoup d’espoirs notamment la réhabilitation des médias et la levée des condamnations illégales et irrégulières des journalistes, nous regrettons aujourd’hui l’absence d’un quelconque signe d’apaisement et craignons l’ aggravation de la crise à la veille des élections législatives prévues l’année prochaine.
Face à tout ce qui précède, les organisations signataires de la présente déclaration
demandent:
Au Gouvernement du Burundi de :
◼ Libérer immédiatement et sans conditions les journalistes Floriane Irangabiye et Sandra Muhoza emprisonnées pour des accusations fallacieuses et sans preuves juridiques ou autre.
◼ Procéder sans délai à l’ouverture d’une enquête indépendante et transparente sur la disparition forcée du journaliste Jean Bigirimana et sur l’assassinat de la famille du journaliste Christophe Nkezabahizi afin de dévoiler la vérité sur ce qui s’est passé et d’engager des poursuites judiciaires contre les auteurs présumés.
◼ Cesser la censure et la répression des médias, et abolir toutes les lois et mesures qui entravent la liberté de presse.
◼ Restaurer l’indépendance et l’intégrité du Conseil National de la Communication pour qu’il puisse réellement s’acquitter de sa mission et défendre la liberté de presse d’une façon professionnelle.
◼ Réhabiliter et dédommager la Radio Publique Africaine (RPA) et la Radio Télévision Renaissance
Aux partenaires du Burundi de :
◼ Exiger des autorités burundaises des progrès tangibles et vérifiables en matière de liberté de la presse, incluant la libération des journalistes Floriane Irangabiye et Sandra Muhoza et la réouverture des médias indépendants fermés.
Signée le 03 mai 2024
Les 19 organisations signataires :
1. Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture au Burundi (ACAT Burundi)
2. Association des Journalistes Burundais en Exil (AJBE)
3. Association burundaise pour la protection des droits de l’homme et des personnes détenues (APRODH)
4. Coalition Burundaise des Défenseurs des Droits Humains (CBDDH)
5. Coalition burundaise des défenseurs des droits de l’homme vivant dans les camps des réfugiés (CBDH/VICAR)
6. Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB-CPI)
7. Coalition de la société civile pour le monitoring électoral (COSOME)
8. Collectif des Avocats pour la défense des Victimes de crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB)
9. Ensemble pour le soutien des défenseurs des droits humains en danger (ESDDH)
10.Forum pour la Conscience et de Développement (FOCODE)
11.Forum pour le Renforcement de la société civile au Burundi (FORSC)
12.Light for all
13.Ligue ITEKA
14.Mouvement INAMAHORO
15.Mouvement des femmes et filles pour la paix et la sécurité au Burundi (MFFPS)
16.Réseau des Citoyens Probes (RCP)
17.SOS Torture Burundi
18.Tournons la Page Burundi
19.Union Burundaise des Journalistes (UBJ)